lundi 24 mai 2010

La tapisserie

Il n'y a rien à y faire : Si tu prends une vache et que tu lui mets du rouge à lèvre, un chapeau de paille, une jolie petite robe avec un imprimé estival, ce sera toujours un bon gros mammifère qui fait plusieurs quintaux, a plus d'estomacs que le commun des mortels et des mamelles bien moins glamour que son costume.

Il n'y a rien à y faire : tu peux m'offrir des rafraichissements aux goûts aussi fruités qu'alcoolisés, me gaver d'amuse-bouches aussi onéreux que possibles, ça ne changera rien. Je suis assise là à te regarder, toi qui t'amuses dans un endroit à la mode. Le cadre est agréable, la musique pas mauvaise bien qu'un peu trop forte mais, finalement, ça ne change rien à l'affaire.

Une fois, encore tu m'as consacré, dans ta vie, la place habituelle : celle de la bonne copine qu'on invite, histoire de ne pas aller à la fête toute seule et qu'on laissera, là, dans un coin, tout le temps, dans le rôle de "la gourde qui garde le sac à main de sa copine quand elle est parti aux ouatères".

Bien sûr, comme d'habitude, ce n'est pas avec moi que tu vas parler ce soir. Bien sûr, comme d'habitude, ce n'est pas avec moi que tu vas rentrer ce soir.


C'est toujours la même chose quand tu m'invites. Pour "sortir et s'amuser entre copines" comme tu dis, toutes les soirées se ressemblent : tu t'amuses et tu me relègues dans un coin. De loin en loin, le lieu "branché" où on se retrouve change. La musique qu'on y entend est parfois différente : jazz éthiopien, rumba congolaise ou hip-hop vénézuélien mais qu'importe, elle est toujours trop forte. Les murs sont prune ou jaune canari ou blanc immaculé ou d'un autre coloris à la mode. La spécialité du bar est le mojito ou le Long Island Ice Tea ou la vodka-carambar ou quelque autre mélange exotico-régressif.

Le mec avec qui tu rentreras ce soir sera forcément brun. Il s'appelera Ben ou Matt ou Jipé ou peut-être Xav. T'as toujours aimé les diminutifs, non ? C'est d'ailleurs pour ça que t'as jamais trouvé le temp de prononcer en entier les quatre syllabes de mon prénom. En même temps, donner un diminutif à un faire-valoir, c'est assez cohérent. Je ne t'en veux pas. Pas pour ça.

J'en ai juste marre d'être la bonne copine, celle qui fait tapisserie alors c'est terminé. Je me casse de cette soirée et de ta vie aussi.


Voilà, c'était donc ma participation au dyptique d'Akynou sur une photo de Bladsurb.

samedi 22 mai 2010

Je suis l'or noir du soleil

J'ai pour habitude de dire qu'il n'existe que deux sortes de mélomanes : ceux qui considèrent que Nu-Yorican Soul est un des meilleurs albums de tous les temps et ceux qui ne le connaissent pas encore.

J'avoue que j'ai un peu honte de commencer un article de blog par une de ces assertions péremptoires de mélomaniaque compulsif et pointu (et amateur de néologismes à deux balles) mais je n'y peux, hélas, rien. C'est la pure vérité.

Pourquoi en parler maintenant ? Parce que, cet après-midi, en cheminant sous ce soleil tant attendu et enfin arrivé, j'ai eu l'impression de vivre une drôle d'expérience mémorielle. La chaleur qui chauffait mes bras nus a réveillé en moi un truc assez étrange et les musiques qui me sont venues à l'esprit à cette occasion - Oui, j'avoue que mes envies musicales fonctionnent sur le mode these sounds fall into my mind. - avaient tous pour point commun d'être des morceaux que j'avais beaucoup écoutés certains étés. Un peu comme si le contact du soleil sur ma peau réveillait en moi des souvenirs d'une manière plus efficace que n'importe quel exercice de mémoire. J'ai donc cheminé vers mon supermarché en sifflotant l'album que j'ai écouté il y a exactement quatorze ans avant d'en revenir en égrenant un à un les morceaux que j'avais placé sur une cassette que j'avais fait l'été suivant.

Je m'en souviens bien de cette bande magnétique que j'avais fait exprès pour qu'elle s'use dans l'autoradio d'une bagnole qui allait vers le soleil : j'avais même marqué Nervous One Touch Karaoké sur le boîtier. Et je crois bien qu'en plein milieu de la face B, il y avait ce petit bijou où Jocelyn Brown prouve que le prénom de Jocelyne peut être sexy si on sait bien s'y prendre.

Et croyez-moi, la bougresse sait y faire ...


jeudi 20 mai 2010

Le jour où j'ai renié Benjamin

Imaginez-vous un instant dans un avion qui, subitement, se met à plonger vers le sol. Un crash inévitable va se produire. Il ne vous reste que quelques minutes avant que l'aéroplane se pulvérise au sol et que votre pauvre petite existence se termine dans une grande explosion. Comment comblez-vous le temps qu'il vous reste ? Pensez -vous à ceux que vous aimez maintenant et qui vous pleureront après ? Essayez-vous de saisir même pour une petite poignée de secondes, ce que l'humanité a toujours voulu connaître, à savoir le sens de la vie ? Ou serez-vous résignés, en vous disant : "Life sucks and then you die" ?

Le cas d'école est morbide. Evidemment. Mais c'est, paraît-il, une variation sur ce thème qui a servi à Walter Benjamin pour développer un de ses raisonnements les plus intéressants. Plutôt que d'imaginer ce qu'il ferait en ces instants, il avait décidé de concevoir ce qu'il ne voulait pas subir lors de ses dernières minutes. Et la réponse avait été claire : tomber sur un voisin un peu trop communicatif qui profiterait de ces derniers instants pour montrer, à la cantonnade et la larme à l'oeil, l'intégrale de ses photos de famille.

L'idée derrière cette anecdote est, évidemment, de faire sentir que la photographie est à la fois un art, avec toute sa noblesse, mais aussi une chose triviale, une activité banale qui n'est là que pour graver des souvenirs dans la mémoire de ceux qui aiment ce genre de béquille visuelle.

Dans cette étrange dualité de la photographie, j'étais jusqu'à présent persuadé d'avoir trouvé mon camp. Le mur de mon salon est orné d'une photo d'un bébé que je connais même pas, comme le disait Joey Tribbiani - si ça peut vous rassurer ce n'est pas une photo d'Ann Geddes, mais la pochette d'un maxi de Technasia. J'avais, pour faire court, décidé qu'être un spectateur averti valait mieux que d'être un acteur médiocre.

Mais c'était avant que je découvre ce petit bijou qu'est Akward Family Photos, un site américain qui recense les plus incongrues photos de famille possibles. La superposition de tous ces clichés d'un ridicule consommé a, finalement quelque chose d'assez artistique.

Certes, telle pose élégante dans un costume d'un goût irréprochable est drôle, tel brushing est littéralement surréaliste. Il y a même vraiment des juxtapositions des contraires hilarantes; Mais derrière l'amoncellement de toutes ces photos, il y a peut-être autre chose qui transparaît et qui va au-delà du rire nerveux : il y a aussi finalement un petit peu de notre histoire. Un petit bout notre enfance et de cette naïveté d'alors qui nous fait voir la vie en rose alors qu'elle ne l'est pas toujours, un fragment de nos passés communs à tous, parce qu'il faut bien avouer que, oui, des clichés comme ceux là, on en a tous dans nos placards.

Parce que la vie ne ressemble pas toujours à un roman photo et qu'à trop vouloir lui donner cet aspect, elle ne conservera, une fois l'époque passée, que le caractère kitsch du modèle qu'on avait voulu se fixer.

Pour finir avec ces anecdotes du quotidien qui rajoutent aussi du piment à la vie, je joins une de mes photos préférées du site (empruntée là) :

C'est si mignon deux êtres qui s'aiment, non ?

samedi 15 mai 2010

Rebrancher la prise

Mais, c'est pas sûr. Si ça se trouve, c'est même pas du tout le cas ... On verra ... Le temps décidera.

J'ai beaucoup, trop peut-être, écrit sur le web par le passé, sous ce nom-là ou sous un autre. Et puis, un jour, sans que j'y prenne garde, l'impérieux besoin de m'épancher avait disparu. Et c'était peut-être pas plus mal.

J'avais à l'époque dit que j'écrivais comme je pissais et je crois bien qu'à force de marquer mon territoire sur le web d'une manière assez laborieuse, j'ai eu envie de l'abandonner, complètement, en pratiquant la politique de la terre brulée : débrancher la prise, à la sauvage, en tirant très fort sur le fil, tout en sachant très bien que c'est pas comme ça qu'on devrait procéder mais en se disant, une fois que c'est fait, que bof, finalement, c'est pas plus mal comme ça.

Et puis, une nuit d'insomnie, sans raison apparente, pas plus que la première fois que ça s'est produit, ça m'a repris. C'était cette nuit. Le cadran digital indique 8h24du matin. Ce blog mourra certainement à 8h25 mais je ne sais pas de quel jour, de quel mois ou de quelle année.

Qui lira, verra.