vendredi 18 juin 2010

Une armée mexicaine

Ce qui est amusant avec le sport (ou plutôt les grands messes du sport-business), c'est qu'elles révèlent très bien tous les aspects les plus crapoteux de l'inconscient collectif. Prenez, par exemple, pour illustrer tout ça, l'expression "une armée mexicaine". Même si elle est assez peu usuelle, il n'est pas rare de la trouver, ici ou là dans notre langue française, pour désigner un groupe d'individus assez hétéroclite, très désorganisé et qui n'arrive à rien ... Pour ceux qui se diraient que je traîne trop souvent au bistrot pour connaître de telles références, c'est dans Wikipédia.

Vous imaginez, lecteurs naïfs, que j'utilise cette expression en guise de titre pour faire un petit clin d'oeil à la manière cuisante avec laquelle l'équipe de France de football a rendu les armes hier soir. Effectivement, 70 ans après la capitulation de Pétain, la formation tricolore avec ses envies de jouer différentes, son niveau de jeu constant de médiocrité et des athlètes à la condition physique assez aléatoire, ressemblait à ce que le langage commun appelle une armée mexicaine.

Mais, non, cette expression m'intriguait déjà bien avant. Et j'ai quelque peu cherché son origine avec d'autant plus de zèle d'ailleurs qu'elle n'a pas d'équivalent dans d'autres langues. Elle semble donc poser comme une vérité universelle quelque chose qui est, en réalité, spécifique à notre culture francophone. L'expression est d'autant plus ancrée dans notre vocabulaire qu'elle fait partie de notre culture populaire via la figure du Général Alcazar, compagnon de route de Tintin, célèbre personnage de ce grand philanthrope qu'est Hergé.

Quand on fouille un peu dans le passé franco-mexicain, on tombe inévitablement sur une histoire d'occupation du Mexique par la France, durant le second empire. Mais c'est la cause du conflit et de l'occupation qui est assez amusante à relever.

En 1860, le Mexique, pays plus que tourneboulé par douze ans de guerres successives (essentiellement contre le voisin nord-américain), est un pays libre vis à vis de ses voisins et à peu-près serein au niveau intérieur, le reste des conflits traversés ayant été du type Guerre(s) Civile(s). Tout pourrait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, s'il n'y avait les finances publiques, désastreuses.

Devant l'importance de son déficit budgétaire, le pays décide donc d'engager un moratoire pour son annulation envers ses créanciers (Toutes ressemblances avec des faits ou des personnes, machin tout ça ...), se disant que, finalement, ça suffit de payer pour rembourser de l'argent à ces gens qui étaient l'ennemi d'hier ou à ses côtés lors des guerres passées et que ces gens-là pourraient bien attendre deux ans, histoire que le pays se refasse la cerise.

La décision déplaît donc beaucoup à l'Angleterre, aux Etats-Unis et à la France, qui décident de reprendre le sentier de la guerre et accessoirement comptent encore s'enrichir en vendant des armes (Toutes ressemblances avec l'importance du budget de la défense de la Grèce à cause du voisin turc, machin tout ça). Cependant, assez vite s'engagent des négociations et si les puissances anglo-saxonnes trouvent un compromis, la France persiste.

L'idée derrière l'insistance française était surtout de profiter du truc pour installer un empire français en Amérique du Sud. Napoléon III (empereur auto-proclamé mais "démocratiquement" élu) voulait d'ailleurs y placer à sa tête à l'origine un membre de sa famille (Toutes ressemblances, machin tout ça) ou ,au moins, un obligé ...

Et c'est là, qu'entre en scène l'armée mexicaine. Le 5 mai 1862, à Puebla, l'armée française, très organisée, très moderne dans ses équipements, se heurte à la dite armée mexicaine, levée plus ou moins à la hâte pour faire face au péril. Donc, oui, l'armée mexicaine qui se présente face aux phalanges française est conforme aux clichés : largement surnuméraire, ils ne sont que 4000 contre 8000 soldats français meilleurs qu'eux en tous points.

Mais, à Puebla, ce sont les mexicains qui ont gagné. C'est la désormais proverbiale armée mexicaine qui a foutu une dérouillée impériale aux français. Mais ça, notre vocabulaire l'a oublié. Par contre, au Mexique, et même si la guerre fut perdue car il n'y a, hélas, que dans les livres que l'histoire de David & Goliath dure plus qu'un chapitre, on s'en souvient de la bataille de Puebla.

Pour tout dire, le Cinco de Mayo est quasiment une fête nationale au Mexique. C'est même pour les émigrés mexicains de par le monde, l'équivalent de la Saint-Patrick pour les Irlandais, une grande occasion de célébrer son pays en dehors du jour dédié, monopolisé par les défilés militaires de la très proverbiale armée mexicaine.

Voilà donc une petite histoire qui en est finalement assez long sur le tempérament français à propos d'autrui.

1 commentaire:

  1. C'est bien mieux que "Le belles histoires de l'oncle Paul" !! Je vais donc faire une effort pour ne pas sortir de blague avec Waterloo (et ses frites) et le Cinco de Mayo.
    De toute façon, les français, c'est rien que des frimeurs.

    RépondreSupprimer